Seigneur, donne à chacun sa propre mort, Enfantée de sa propre vie, Où il connut l'amour, un sens et la détresse. Nous ne sommes nous-mêmes que la feuille et l'écorce. La grande mort que chacun porte en soi, Elle est le fruit sur lequel tout s'ordonne (...) Seigneur, accorde-nous le savoir et la force
D'ouvrir et de lier nos vies en espaliers Pour lesquels fleurira un printemps plus précoce. Car ce qui fait la mort étrange et difficile, C'est qu'au lieu de la nôtre arrive l'imprévue, - L'authentique, la vraie n'ayant pas su mûrir (...) Ressuscite pour l'homme en son coeur la merveille De l'enfance éblouie et les contes secrets, Comme aux primes années où la pensée s'éveille. Et donne-lui alors de veiller jusqu'à l'heure Où il enfantera une Mort souveraine, Comme un parc murmurant ou comme un voyageur Retour d'une contrée lointaine.
Rainer-Maria Rilke, Le livre de la pauvreté et de la mort, 1906 reçu par e-mail de France
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