O Christ Jésus, la route est devant nous, tortueuse, incertaine. Il nous faut cependant céder à son appel, quels que soient nos états d'âme.
Qu'avons-nous laissé derrière nous ? Nos ferveurs, nos rêves, nos impuissances ? Il est difficile de tourner la page quand un événement vous a secoué. Nous voudrions tant faire durer l'excitation et la mobilisation d'un moment. Mais il nous faut apprendre le travail de deuil et revenir chez soi, et revenir sur soi.
Heureux sommes-nous si nous ne sommes pas seuls dans notre marche et pouvons échanger avec un compagnon de route, quitte à élever le ton de temps à autre. La solitude peut être une épreuve trop lourde à porter au temps de l'individu-roi. La parole échangée nous allège et rend la route plus familière. Nous nous comptons par deux alors qu'il faut nous dénombrer trois. En effet tu n'es jamais absent de nos rencontres, tu habites chacun de nos dialogues pour les ouvrir à la réalité. Tu es la Parole à l'origine de toute parole.
O viens Seigneur Jésus, t'introduire dans nos face-à-face, viens nous obliger à creuser la signification de ce qui nous arrive, et à donner de l'élan à nos vies. Nous croyons avoir tout compris. Il nous manque la clef de ta venue et de ton accompagnement pour remettre de l'ordre dans nos mémoires, interpréter l'histoire passée et présente, et laisser la Parole brûler nos vies.
Ta Parole, il faut bien l'avouer, n'est pas surgissement de pure nouveauté. elle a été burinée grâce à des siècles de foi et d'attente par le plus petit des peuples. Elle s'inscrit dans une succession de gestes prophétiques toujours soucieux de la grandeur de Dieu et de la dignité de l'homme. Mais voilà, tu es plus qu'un prophète parmi d'autres, plus qu'un messie cristallisant l'espoir des nations. Tu viens de Dieu et tu retournes à Dieu en traversant toute l'épaisseur de la condition humaine, jusqu'à être conduit à une mort ignominieuse. Cependant, cette mort n'a pu te retenir entre ses mains glacées. Au creux de notre nuit, la nouvelle de ta résurrection n'en finit pas de nous éblouir : tu es vivant, et toute vie trouve en toi sa source et son accomplissement, son sens et sa fécondité.
Alors que tu as tant à faire sur les routes humaines, passant considérable, accepte de partager notre gîte et notre couvert. Nous avons faim de parole et de pain, et plus encore du ciel sur la terre. Refais pour nous les gestes du don et de la communion. Apprends-nous à devenir nourrissant pour les autres comme toi-même l'es pour tous. Fais-nous comprendre qu'en rejoignant la communauté des disciples nous n'avons plus à nous inquiéter de ton absence E qu'en rejoignant la communauté des hommes Nous sommes nous-mêmes responsable de ta présence.
La route est tortueuse, incertaine. Pourtant elle est jalonnée des signes ténus et efficaces qui nous remettent à ta suite, réveillés de nos engourdissements et désenclavés de nous-mêmes. Donne-nous le souffle pour courir porter la nouvelle à nos frères, jusqu'à cette Jérusalem céleste qui vient à notre rencontre pour rassembler les pèlerins de tous les peuples et de toutes les religions.
Extrait de 'Disciples d'Emmaüs', Bruno Chenu, édition Bayard reçu par e-mail de France
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